[Extrait du livre Parler avec Dieu, François Carvajal, ed. le Laurier]
Rappelle-toi, Seigneur, tes tendresses, l'amitié, que tu nous as montrées depuis toujours (1).
Le Carême est un moment exceptionnellement favorable pour affiner la manière de recevoir le sacrement de la Pénitence, cette rencontre avec le Christ miséricordieux, présent en la personne du prêtre ; rencontre toujours unique, toujours différente dans laquelle Il nous accueille comme le Bon Pasteur, où Il nous soigne, nous lave et nous fortifie. Ce que le Seigneur avait promis par les prophètes s'accomplit justement dans cette action invisible, humaine et divine à la fois : Moi-même je paîtrai mes brebis, moi je les ferai reposer, oracle du Seigneur Yahvé. Je chercherai celle qui était perdue, je ramènerai celle qui était égarée, je panserai celle qui est blessée et je rendrai force à celle qui est infirme, et je garderai les grosses et les robustes (2).
Lorsque l'on reçoit ce sacrement, on doit penser, non pas aux circonstances et aux personnes, mais avant tout au Christ qui en est le centre. Et la gloire et l'amour de Dieu doivent compter bien davantage que nos péchés. La confidence à Jésus compte beaucoup plus que nous-mêmes, sa bonté beaucoup plus que notre misère puisque la vie intérieure authentique est un dialogue d'amour dans lequel Dieu attire tout à Lui et est le seul point de référence.
Nous ressemblons à l'enfant prodigue qui rentre chez son père quand nous décidons de nous confesser ; il entreprend le chemin du retour poussé par la triste situation dans laquelle il se trouve, sans perdre la conscience de son péché : Je ne suis pas digne d'être appelé ton fils. Pourtant, plus il se rapproche de la maison paternelle, plus il se rappelle, sans doute avec affection, le climat et l’histoire de son propre foyer. Et il voit dans le lointain la figure si caractéristique de son père qui se dirige en grande hâte vers Lui ! Voilà ce qui est important : la rencontre avec Dieu notre Père. Chaque confession sincère est « un rapprochement de la sainteté de Dieu, une nouvelle rencontre de la vérité intérieure, troublée et bouleversée par le péché, une libération au plus profond de nous-mêmes, et avec cela, une récupération de la joie perdue, la joie d'être sauvé, dont ne jouissent plus la plupart des hommes de notre temps (3) ». N'est-il pas normal qu'un cœur grand désire et travaille à ce que les hommes et les femmes de son temps sentent cette nostalgie de Dieu, en fassent l'expérience et s'approchent de Lui qui les attend de toute éternité ?
Mais désirons-nous rester seul à seul avec le Seigneur, le plus tôt possible, comme le désiraient ses disciples après quelques jours de séparation ? Eprouvons-nous ce besoin de décharger en Lui la douleur que nous ressentons comme le symptôme d'une maladie, devant les faiblesses, les erreurs et les imperfections dont sont parsemées nos devoirs professionnels, nos relations avec les autres, l'activité apostolique et même la vie de piété ?
« Le Carême est un temps particulièrement approprié pour réveiller et former la conscience. L'Eglise nous rappelle précisément en cette période le besoin de la Confession sacramentelle, pour que nous puissions tous vivre la Résurrection du Christ non seulement dans la liturgie, mais aussi dans notre propre âme.» (4)
Comme tous les sacrements, la Confession, selon son mode propre, fait participer le chrétien à la Passion du Christ et, par ses mérites, à sa Résurrection. Si nous avons les dispositions nécessaires, ce sacrement produit dans notre âme une renaissance à la vie de la grâce. Le sang du Christ, amoureusement répandu, purifie et sanctifie l'âme, et par sa vertu, le sacrement confère la grâce - si elle avait été perdue - ou l'augmente, à différents degrés, selon les dispositions du pénitent. « L'intensité du repentir est parfois proportionnée à une plus grande grâce que celle qui avait été perdue par le péché ; parfois la même ; parfois moindre. Ainsi le pénitent se relève en certaines occasions avec une plus grande grâce que celle qu'il avait avant la chute ; en d'autres occasions avec la même grâce ; et parfois avec une moindre grâce. Et l'on peut dire la même chose des vertus qui dépendent de la grâce et la suivent » (5).
L'âme y reçoit aussi de plus grandes lumières de Dieu et un accroissement de ses forces - des grâces particulières pour combattre les inclinations avouées, pour éviter les occasions de pécher, pour ne pas retomber dans les fautes commises.
« Regarde comme Dieu est bon, et comment Il pardonne facilement les péchés ; non seulement Il rend par son pardon ce qui avait été perdu, mais Il concède des choses inattendues . » (6) Combien de fois en effet, n'avons-nous pas reçu les plus grandes grâces après une Confession, pour avoir dit sans détour au Seigneur que nous nous sommes vraiment mal comportés avec Lui ! Jésus rend toujours le bien pour le mal, afin de nous encourager à être plus fidèles. Le châtiment que nous méritons pour nos péchés - comme celui que méritaient les habitants de Ninive - est effacé par Dieu lorsqu'il voit le repentir et les œuvres de pénitence et de réparation d'un de ses enfants spirituellement bien vivant.
C'est la raison pour laquelle une Confession sincère laisse toujours dans l'âme une grande paix et une grande joie. La tristesse et le vide intérieur produits par le péché ou le manque de correspondance à la grâce, se transforment souvent instantanément en joie. « Les moments d'une Confession sincère figurent peut-être parmi les plus doux, les plus réconfortants et les plus décisifs de la vie. » (7)
« Tu comprends maintenant à quel point tu as fait souffrir Jésus, et tu te remplis de douleur : comme il est facile de Lui demander pardon et de pleurer tes trahisons passées ! Ton cœur est trop petit pour contenir tous tes désirs de réparation. » (8).
Notre Dame, refuge des pécheurs, desserre les derniers liens qui m'empêchent d'achever ce parcours vers Jésus qui m'attend.
1. Ant. messe mercredi 1° semaine de Carême . 2. Ez 34, 15-16.- 3. Jn Paul II, Ex. Apost. Reconciliatio et Paenitentia, 2/121984, 31, III.- 4. Jn Paul Il, Lettre aux fidèles de Rome, 28/021979. - 5. St Thomas d'Aquin, SummaTheologiae, 1II,q. 89, a. 2,c. - 6. St Ambroise, Commentaire à l'Évangile de st Luc, 2, 73. - 7. Paul VI, Allocution, 27/02/1975. - 8. St Josemaria Escriva, Chemin de Croix, IX, 5.