(Méditation au long des 7 dimanches qui précèdent la fête du 19/03)
Quant à l'enfant, il croissait et se fortifiait, étant rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui. Mt 2,19-23
Ange de la terre, glorieux saint Joseph, qui as vu avec admiration le Roi du ciel soumis à tes ordres, si la joie que tu as éprouvée en le ramenant d'Égypte fut troublée par la crainte d'Archélaüs, tu as été cependant rassuré par l'ange et tu as demeuré avec joie à Nazareth dans la compagnie de Jésus et de Marie.
Par cette douleur et cette joie, obtiens-nous que nous soyons dégagés de toute crainte nuisible, afin de pouvoir jouir de la paix de conscience, de vivre dans l'union avec Jésus et Marie et enfin de mourir dans leur compagnie.
Pater, Ave, Gloria.
V/ Prie pour nous, saint Joseph. R/ Afin que nous soyons rendus dignes des promesses du Christ.
Prière : Ô Dieu, qui, dans ta Providence ineffable, as choisi le bienheureux Joseph pour époux de ta sainte Mère, fais que nous méritions d'avoir pour intercesseur dans le ciel celui que nous vénérons sur la terre comme notre protecteur. Nous t'en supplions, Seigneur, qui vis dans les siècles des siècles. Amen.
Considérations du Chanoine Maurice Bouvet (1880-1948), Curé de la paroisse Saint-Germain-L'auxerrois de Paris
La grandeur de saint Joseph est dans sa collaboration à l'œuvre de la Rédemption : très humble collaboration, mais nécessaire et sainte aux yeux de Dieu. Aussi est-ce là que la piété catholique envers lui a cherché ses deux thèmes inspirateurs.
Elle le nomme le Patron de l'Église universelle et le Patron de la Bonne Mort. Il arrive malheureusement que beaucoup se contentent ici des images vagues que proposent ces mots prestigieux. II faut aller jusqu'à l'idée profonde : le sens est alors d'une étonnante plénitude et le culte de saint Joseph paraît sous un jour qui le magnifie. On va, il est vrai, de surprise en surprise. Les deux termes, Église et agonie, incluent un élément commun : l'idée de combat. L'Église ici-bas est nécessairement militante (du latin militans : qui lutte) ; agonie, qui vient du grec, a le même sens. C'est assurément là l'idée la plus étrangère à ce culte tel qu'on l'entend d'ordinaire. C'en est pourtant l'idée essentielle.
Saint Joseph est le Patron de l'Église parce que l'œuvre que l'Église accomplit est exactement la suite de celle qu'il a faite lui-même : elle peine pour donner au Christ les accroissements de son corps mystique en lui gagnant et unissant des âmes qui aient part à sa vie comme tous les éléments constituants de notre corps ont part à notre âme. Elle travaille aussi à lui faire le sang de sa Passion perpétuelle, que d'âge en âge ses fidèles prolongent de leurs souffrances. Son œuvre se range donc en quelque sorte d'elle-même sous le Patronage de saint Joseph et la met à son école. Dans toute lutte pour gagner et garder une âme, christianiser un village, un pays, l'ouvrier se sent chétif et aimant, et a peur de ne pas suffire à la tâche, et s'émerveille de voir ce qui se fait, et souhaite de se perdre dans l'ombre à la seule idée qu'on puisse le croire lui-même l'auteur de ce miracle spirituel qu'est la conquête au Christ. Toute lutte ainsi menée est la lutte quotidienne du pauvre charpentier de village qui nourrit à la sueur de son front le Sauveur et aux yeux de tous semble le donner au monde.
Pour tous, c'était « le Fils de Joseph. »
La première prière à saint Joseph est donc celle des apôtres …
Il y a une seconde prière. Elle n'est pas moins belle
« Vous qui l'ayant élevé, l'avez vu dans sa stature parfaite et qui êtes mort, votre œuvre achevée : obtenez-nous d'achever, nous aussi, la nôtre et de mourir de votre paisible mort. »
Beaucoup en qui est grand le désir de la Bonne Mort n'ont de celle-ci qu'une idée bien chétive : celle d'une mort sanctifiée de telle sorte par les sacrements que l'âme enfin échappe à la damnation. Certes, c'est là sauver l'essentiel. Qui ne sent pourtant que pareil désir manque d'inspiration proprement chrétienne ? Il peut suffire comme peut suffire la contrition imparfaite dont les motifs font rougir au pied du crucifix, pour peu qu'on les examine et contemple ... Il peut suffire : il ne conduit pas loin. Pour un vrai chrétien, la Bonne Mort est bien autre chose : c'est mourir en ayant vécu non pour soi, stérilement et parfois sordidement, mais au service de ses devoirs d’état ; c'est mourir, sa tâche faite et bien faite, en paix. Saint Paul dit : « Ayant vécu non point en enfants emportés à tout vent de doctrine et jusqu'au dernier jour illusionnés, mais parvenus dans l'ordre spirituel à l'état d'hommes faits, à la mesure de la pleine stature du Christ » (Eph 4,13-14). Bien évidemment, une telle mort ne s'improvise pas. Elle ne vient pas du dehors, par un coup de grâce, s'ajouter à une vie médiocre - ou pire - et la démentir. Elle se prépare à longueur d'années. Non pas qu'elle se mérite, la grâce de Dieu la donne. Mais à cette grâce de persévérance finale, heureux qui se sent d'avance et dès longtemps accordé !
La pensée de la Bonne Mort nous ramène donc, comme tout à l'heure celle de l'apostolat, à l'idée de lutte persévérante. Sans doute, étant ce que nous sommes, ne peut-il être question pour nous que de lutte bien humble et discrète, dans l'ombre. Dès lors, que nous voilà près de Joseph et tout contre l'établi où son rude bras d'ouvrier pousse à fond le rabot qui chuinte ! Qu'il interrompe un petit instant son labeur, sa peine sur ses gros ouvrages monotones et pauvrement payés : qu'il s'arrête pour souffler et, ce petit instant, en souriant, nous regarde … Nous lirons dans ses yeux sa tristesse que tout soit autour de lui si étroit, si indigne de Jésus et de Marie … Oh ! avoir, nous aussi, cette tristesse, à cause de notre vie ! Et son désir de faire mieux ! Et son courage de chaque jour ! Et, pour notre réconfort et récompense, avoir aussi, de-ci de-là, un rayon de ses joies merveilleuses ! Se dire que si l'on peine, c'est pour Jésus et qu'il grandit de cette peine ; que l'on mourra, mais l'ayant bien servi, et dans ses bras … Et le reste ? Le reste n'est rien. Il n'y a jamais rien de vrai dans une vie humaine, que Jésus et ce qui est fait pour Jésus.
(Année chrétienne, 1er volume. De l'Avent à la Semaine Sainte)