Après avoir préparé ses fidèles au jugement dernier avec tant de soin, il est temps qu'il nous fasse voir ce jugement …
« Quand le Fils de l'homme viendra en sa majesté et tous ses anges avec lui. »
Quelle majesté ! quelle suite ! que d'exécuteurs de sa justice !
Mais comment viendra-t-il ? « Dans une nuée éclatante » du plus haut des cieux : de la droite de son Père : « avec ses anges » il est donc le Seigneur des anges comme des hommes. « Il s'assiéra dans le siège de sa majesté, et toutes les nations seront assemblées devant lui » quelle journée ! quelle séance !
Qui ne tremblera alors : « devant ce grand Roi assis dans le trône de son jugement » qui « dissipera tout le mal par un coup d'œil ? Qui osera alors se glorifier d'avoir le cœur pur ; et qui osera dire : Je suis innocent ? »
Qui pourra paraître devant celui « qui a les yeux » comme un flambeau ardent : « comme la flamme du feu » le plus pénétrant et le plus vif : « qui sonde les cœurs et les reins et qui donne à chacun selon ses œuvres ? »
Toutes les consciences seront ouvertes en un instant, et tout le secret en sera manifesté à tout l'univers : où se cacheront ceux qui mettaient toute leur confiance à se cacher : « dont les actions étaient honteuses même à dire et à penser » et qui verront tout à coup leur turpitude révélée devant tous les anges, devant tous les hommes ; et ce qui renferme en un mot toute confusion et toute honte, devant le Fils de l'homme, dont la présence, dont la sainteté, dont la vérité convaincra et confondra tous les pécheurs ?
Voilà celui que vous nommiez votre Maître : pourquoi ne gardiez-vous pas sa parole ?
Voilà celui que vous appeliez votre Sauveur : quel usage avez-vous fait de ses grâces ?
Voilà celui que vous attendiez comme votre Juge : comment ne trembliez-vous pas à son approche et à la seule pensée de son jugement ?
Vous croyez avoir tout gagné en vous cachant, en détournant vos yeux, en gagnant du temps : vous y voilà maintenant devant ce tribunal : la sentence va être prononcée : sans délai : en dernier ressort, et elle sera suivie d'une prompte et inévitable exécution.
Pénitence, pendant qu'il est temps : fléchissons la face du juge : prévenons-la par la confession de nos péchés : « Pleurons, pleurons devant celui qui nous a faits » pleurons, avant que de tomber dans ces pleurs irrémédiables et intarissables : pleurons avec saint Pierre, de peur d'aller pleurer éternellement et inutilement avec Judas et tous les méchants.
« Alors le roi dira à ceux qui sont à la droite : Venez » aux autres : « Allez » à ceux-ci : « Venez » vous êtes déjà avec les justes : venez avec moi : « venez à mon trône, dans lequel vous serez assis avec moi » car je l'ai promis.
Ô paroles qu'on ne peut assez méditer ! « Venez : Allez » taisons-nous : tais-toi, ma langue : tes expressions sont trop faibles : mon âme, pèse ces mots qui comprennent tout le bonheur et le malheur, et toute l'idée de l'un et de l'autre : « venez : allez » venez à moi, où est tout le bien : allez loin de moi, où est tout le mal.
« Venez, les bénis, les bien-aimés de mon Père » autrefois maudits et haïs des hommes ; mais dès lors bénis de mon Père, dont la bénédiction se déclare en ce jour : « venez posséder le royaume qui vous était préparé » venez, « petit troupeau : ne craignez plus rien, puisqu'il a plu à votre Père de vous donner son royaume » venez, venez, venez : « entrez dans la joie de votre Seigneur » jouissez de son royaume éternel. Ô venez, venez : quelle parole ! quelle joie ! quelle douceur ! quel transport !
« Un royaume » quelle grandeur ! « Un royaume préparé de Dieu » et de Dieu comme Père : et préparé pour un Fils unique, éternellement bien-aimé : car c'est le même qui est aussi préparé pour les élus : enfants de dilection et d'élection éternelle, vous avez assez souffert, assez attendu : venez maintenant le posséder. On ne possède que ce qu'on a pour l'éternité : le reste échappe et se perd.
« J'ai eu faim, j'ai eu soif, j'ai été nu, j'ai été malade et en prison » c'est par la même raison qui lui fait dire : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? » Et : « Je suis Jésus que tu persécutes » c'est par l'unité qui est entre le chef et les membres, c'est parce qu'il est le cep et que nous sommes les branches. Mais il faut ici remarquer que les pauvres sont de tous ses membres ceux dans lesquels il est le plus.
Tous les Pères relèvent ici l'avantage et le mérite de l'aumône, qu'il vante tant et qu'il vante seule dans le siège de sa majesté, dans son dernier jugement, à qui seule il attribue la vie éternelle. Ils démontrent aussi par le même endroit la nécessité de l'aumône, puisque manquer de la faire est un crime, et le seul crime qu'il allègue pour la cause de la damnation. Et la raison en est évidente, en ce que :
Premièrement, si le précepte de la charité est l'abrégé de la loi et des prophètes, comme il dit lui-même, il était juste de renfermer dans la charité toutes les bonnes œuvres, et dans la privation de la charité toutes les mauvaises.
Deuxièmement, comme dit saint Jean, « celui qui n'aime pas son frère qu'il voit, comment aimera-t-il Dieu qu'il ne voit pas ? » Ainsi la même justice qui l'oblige à punir le monde pour le défaut de la charité, l'oblige aussi à marquer le défaut de la charité dans son effet le plus sensible, qui est la charité envers les frères.
Tout est renfermé dans les œuvres de miséricorde, et on en pourrait rapporter une infinité d'autres que chacun pourra suppléer.
Il reste donc à s'examiner sur l'obligation de l'aumône ; et sans écouter les vaines excuses dont se flatte notre dureté, considérer sérieusement si nous pouvons apaiser véritablement notre conscience sur un point si décisif de notre éternité.
Seigneur Jésus, ma vie et mon espérance, je me mets en votre sainte présence, pour voir et considérer dans votre lumière, en foi et en perpétuelle reconnaissance de vos bontés, comment vous avez transporté en vous nos misères et nos infirmités, jusqu'à pouvoir dire : « J'ai eu faim, j'ai eu soif, j'ai été nu, prisonnier, malade » en la personne de tous ceux qui ont eu à souffrir des maux semblables.
Ôtez-moi, ô mon Sauveur, ce cœur de pierre : que je sois compatissant comme vous : que je puisse dire avec votre Apôtre : « Qui est infirme, sans que je le sois ? Qui est troublé et scandalisé, sans qu'un feu intérieur me consume ? Que je me réjouisse » selon son précepte, « avec ceux qui se réjouissent » ce qui est facile et agréable à la nature. Mais que je pleure sincèrement « avec ceux qui pleurent ».
« Venez, les bénis, les chéris de Dieu »
Ô mon Sauveur, que j'entende le mystère de cette secrète bénédiction, par laquelle vous nous avez bénis avant l'établissement du monde, en nous préparant votre royaume !