De la vie de Ste Gertrude, fêtée samedi prochain...
A propos du purgatoire...
Une jeune religieuse de son monastère qu'elle aimait singulièrement à cause de ses grandes vertus, était morte dans les plus beaux sentiments de piété. Pendant qu'elle recommandait ardemment cette chère âme à Dieu, elle fut ravie en extase, elle aperçut la défunte devant le trône de Dieu, environnée d'une brillante auréole et couverte de riches vêtements. Cependant, elle paraissait triste et préoccupée. Ses yeux étaient baissés comme si elle eût honte de paraître devant la face de Dieu. On eût dit qu'elle voulait se cacher et s'enfuir. Gertrude, toute surprise, demanda au divin Époux des vierges, la cause de cette tristesse et de cet embarras extraordinaire :" Très doux Jésus, s'écria t’elle, pourquoi dans votre bonté infinie n'invitez-vous pas votre épouse à s'approcher de vous et à entrer dans la joie de son Seigneur ? Pourquoi ne lui ouvrez-vous pas vos bras et la laissez-vous à l'écart, triste et craintive ?" Alors, Notre Seigneur fit signe à cette bonne religieuse de s'approcher et il lui souriait avec amour. Mais elle, de plus en plus troublée, hésitait et enfin, toute tremblante, elle fit une grande inclinaison et s'éloigna. Alors, sainte Gertrude, encore plus étonnée, s'adresse directement à l'âme : "Eh bien ! ma fille, le Sauveur vous appelle et vous vous éloignez. Vous avez désiré ce bonheur toute votre vie, et maintenant que vous êtes appelée à en jouir, vous n'avez plus que de la froideur. Ne voyez-vous pas le bon Jésus qui vous attend ?" - Ah ma mère, répondit cette âme, je ne suis pas encore digne de paraître devant l'Agneau immaculé. Il me reste des souillures que j'ai contractées sur la terre pour s'approcher du soleil de justice. Il faut être plus pur que le rayon de la lumière. Je n'ai pas encore cette pureté parfaite qu'il aime à contempler dans ses saints. Sachez que, lors même que la porte du Ciel me serait ouverte toute grande, quand il dépendrait de moi de m'y élancer d'un bond, je n'oserais le faire avant d'être entièrement purifiée des plus petites taches. Il me semble que le chœur des vierges qui suit l'Agneau en tous lieux me repousserait bien loin." "Eh quoi ! reprit la sainte abbesse, je vous vois pourtant environnée de lumière et de gloire !" - "Ce que vous voyez, répondit l'âme, n'est que la frange du vêtement de l'immortalité. C'est bien autre chose quand on voit Dieu, qu'on vit en lui et qu'on le possède à jamais, mais pour cela, il ne faut pas avoir une souillure."